Thierno Abdourahmane dans la Cité

 

Thierno Abdourahmane Bah

1916 - 2013



 

Itler « deklaarii »: ndee hare mun;
tawi yimbhe no nyaayha e nder beldal.

Kala on wonnoodho e haaju mu'un,
tertii dhun wonti e fii habhugol.

Itler heli sappo e jowi raayaadyi,
o harnibhe hoyre e tampinegol.

Amerik e Faransi e Engele en e
Risii, Shlnuwaa woni dyon polgal.

Dhi'i leyyhi nde hawtitunoo dhi dadii
sibhe nangidi ahadi e fii habhugol.

Seneraldyi nhanaadyi subhaa subhitaa,
wano Mongomerii on wardho Romel,

Wano Istalin e Mahuu Saytun,
Rozvelt, Leklerk, ko dhimmo Degol.

Bhe habhii Itler e ngun konu mun,
bhe helii ngu, ngu sakkitorii reugol.

Bhe adii rindhinde ko Alman nangi,
bhe ruttiti leydhe ka dyon dyeygol.

Si bhe naati e leydi ndi Alman innori ndin,
naatande nde jon siugol!

Berlen hippaa, koe fow nangaa,
Himler wartii Itler mutugo!

Thierno Abdourahmane

La vie s'écoule donc, simple et tranquille pour Thierno-en, entre ses frères, ses épouses et ses

camarades d’âge.

La vie s’écoule avec ses automatismes coutumiers que l'on pratique sans trop y penser. Elle sera

soudain interrompue brutalement, lorsque: 

« Hitler déclara cette sienne guerre,
alors que les gens se pavanaient dans l'aisance
Chacun, jusqu’alors vaquant a ses affaires,
délaissa celles-ci et se mit en état de combattre. » 

Thierno Abdourahmane, bien armé intellectuellement, se mit à observer les difficultés croissantes

qui assaillaient les populations, ses concitoyens. Il vécut intensément les souffrances communes, en

poète qui se reconnait le miroir de son peuple, comme il écrira plus tard : 

« C'est le poète qui enthousiasme les gens qui redoublent d'ardeur;
C'est aussi le poète qui secoue les cœurs qui se revivifient. » 

La guerre terminée, des intellectuelles peuls du Fouta-Djallon créent une association culturelle,

l'Amicale Gilbert VIEILLARD (AGV), pour la renaissance et le développement de la saine foulanite.

Thierno Abdourahmane s’enthousiasme pour I'AGV; il compose un de ses premiers poèmes

politiques, pour encourager les Peuls à soutenir l'association. Car il a conscience que: 

« Quant aux Foulbhe, leur cause était perdue depuis moult années;
nul d’entre nous ne débattait de ce qu’il faisait. 
Nous étions menés comme bêtes au pâturage,
employés a toutes sortes de taches, montant,
descendant, sans savoir pourquoi ni comment.» 

Une épître magnifique à la démocratie, décrivant avec précision ses objectifs et ses méthodes, un

instrument de l'unité pour la nation peule, dont les dirigeants doivent être honnêtes et patriotes : 

« O président, sois un homme honnête, aimant son 
pays et ses hommes, cela seul conduit au but; 
O membres, soyez unis derrière ce 
dirigeant votre, observez ce qu'il fait. » 

Le texte est accueilli chaleureusement par les dirigeants de l'amicale, dont Monsieur Yacine DIALLO.

On le fait multiplier et diffuser largement dans tout le Fouta. Thierno-en est élu à la tête de la section

de l’AGV à Labé, Il compose, a l’ occasion d'un congrès de l’Amicale dans cette ville, l'Hymne à la

paix et au Fouta-Djallon, qui fut accueilli avec un succès sans précédent. Les talibes le recopiaient

et s'en allaient par les marches hebdomadaires le réciter aux foules qui formaient des grappes

compactes. Le poème décrit avec un lyrisme remarquable les souffrances de « l'effort de guerre»,

les corvées que l'on imposa tyranniquement aux populations pendant la période 1940 - 1944; on ne

relit pas, aujourd'hui encore ces lignes sans que les yeux ne vous gonflent.

En contraste avec les misères de la guerre et de l'oppression, les hommes et les terroirs du Fouta-

Djallon sont magnifies, pour exhorter à l'amour de la patrie, en expliquant en quoi consiste cet

amour. Le poème s’achève en invitant les foutankes au travail et à l’étude, car, « Avec celui-là seul

qui a étudié on peut se comprendre, celui-là seul qui a étudié rectifie la voie. Ce pays notre

sera plus éveillé (plus civilisé) lorsque les lettres y seront nombreux; il retrouvera alors

prééminence... » 

D'entrée de jeu, Thierno Abdourahmane affiche la couleur des thèmes préférés de son inspiration

poétique: l’amour et la compassion pour les humbles, l’exhortation à l’étude et au travail, l’amour de

la patrie: des thèmes éminemment démocratiques, socialisants ou tout au moins philanthropes, qu’il

reprendra plus d’une fois. 

 

El Hadj Ibrahima Caba: Defte Cernoya 1998