A L'ECOLE DE THIERNO OUMAR PEREDJO
Thierno Abdourahmane Bah
1916 - 2013
L'Enfance de Thierno Abdourahmane
A l'Ecole de Thierno Oumarou Peredjo
Cadre de Vie de Thierno Abdourahmane
Thierno Abdourahmane a Diaari
Thierno Abdourahmane dans la Cite
La Reaction des Grands
Vie Publique de Thierno Abdourahmane
La Vie Privee de Thierno Abdourahmane
L'Ecrivain
«...Cerno Oumarou Dara, dans le cœur duquel furent déversées toutes connaissances,
tel un fleuve qui ne tarit pas.
Pour la connaissance de l'arabe, par exemple, il n'a pas d’égal en son temps.
Qui se fût mesuré à lui n'en atteindrait point le niveau. Il hérita de nombreux secrets du Shaykh Aliiyyu;
Ainsi il connut les zaahir, d'une science qui n'est pas petite. En effet, du Shaykh Aliiyyu tout un tiers des connaissances, celui à qui fut donné de les cumuler, c'est lui, sans erreur de ma part.
O Dieu, pardonne-lui et préserve-le, accorde-lui bonheur, et répands sur ses descendants des bénédictions que tu ne reprendras pas.»Thierno Diao Pellel
«De mes propres yeux je t'ai vu lisant des livres par trois ensemble, O wali de Dieu;
Mes oreilles t'ont entendu lisant des livres,
par trois ouverts, O wali de Dieu»Thierno Diao Pellel
Quelques semaines après les funérailles de son père, Thierno Abdourahmane, âgé de onze ans,
reçoit deux lettres de son Koto Mamadou, alors commis à Mali. Dans l'une des lettres à lui adressée,
son grand frère lui demande de porter la seconde, personnellement, à leur cousin Thierno Oumarou
Perejo, à Dara-Labe, une douzaine de kilomètres au sud de la cite de Karamoko Alfa. Thierno
Oumarou, élève et neveu de Thierno Aliou (fils de sa sœur), tenait dans son village un dudhal
brillant, ou déménagèrent quelques-uns des étudiants du Walliyyu après la mort de celui-ci. Ce fut le
cas de Thierno Diawo.
Aux dires de Bappa Habibou, leur père considérait comme particulièrement sûres les connaissances
de trois de élèves ses élèves: son second fils Karamoko Bano, son frère Thierno Mouktarou et son
neveu Thierno Oumarou Perejo.
Thierno Abdourahmane prend donc le chemin de Dara, ou il se rendait la première fois et qui allait
devenir le point le plus aimé de lui sur la planète. Il s'engage dans la piste bien marquée
qu'empruntaient les chefs du Labé à leur aller-retour pour Timbo, au temps de l'Etat islamique.
Malgré sa courte longueur, la piste est charmante à parcourir. On traverse d'abord le marigot Sasse,
qui limitait alors Labé vers le sud, et l'on gravit la pente qui mène à une plaine ou se remarque un
tertre. C'est là que s'arrêtait le Chef de Labé a son retour de Timbo, ville où il avait été couronne Alfa
par I' Almami du Fouta.
Thierno Abdourahmane, l'enfant de onze ans, arpente, un pas après l'autre, cette voie chargée de
poésie et d'histoire, de mystère et de légende. Déjà initie au sentiment du beau, il n'a manqué de
jouir en impressionniste de panoramas qui se succédaient au fur et a mesure qu'il cheminait. Ainsi
arrive-t-il chez son illustre cousin, le cœur et l'esprit pleins de bonheur. Et voici que le jeune garçon
est accueilli, par Thierno Oumarou avec une chaleur et une joie qui ne manquent pas de l'étonner.
L'érudit lui donne un billet de cinq francs comme cola de bienvenue, une fortune. Puis, ouvrant la
lettre apportée, Thierno Oumarou y trouve un billet de cinq francs que lui envoie son cousin
le commis Thierno Mamadou BAH!
Thierno Abdourahmane va d’étonnement en surprise. Il est conquis définitivement par son cousin et
par Dara-Labe.
Il sollicite de Thierno Oumarou de l'accepter comme élève, et celui-ci d’y consentir aussitôt, et avec
un plaisir manifeste. Il s'en revient à Labé, par le même chemin, le cœur maintenant plein d'un
bonheur supplémentaire, a l'idée qu'il va étudier auprès d'un savant Karamoko qui se montre
d'ailleurs si accueillant, si généreux. Il empaquette ses affaires, prend congé de sa mère, et sans
prévenir quiconque d'autre, reprend le chemin de Dara-Labe.
II y restera huit ans, huit années studieuses, huit années libres et heureux qu'il évoque encore
aujourd'hui avec beaucoup d’émotion. Thierno Abdourahmane se plonge avec un enthousiasme
joyeux dans les livres. Thierno Diawo, son condisciple, écrira plus tard :
«De mes propres yeux je t'ai vu lisant des livres par trois ensemble, O waliiyyu de Dieu; Mes
oreilles t'ont entendu lisant des livres, par trois ouverts, O waliiyyu de Dieu»
Témoignage oculaire, audio-visuel, que confirment bien d'autres sources, et surtout l'érudition
constamment enrichie et renouvelée de Thierno Abdourahmane. Le gout de la lecture acquis dans
l'enfance et l'adolescence est perpétuel pédagogique, et ils ont fait preuve d'une profonde intuition
pédagogique les créateurs de l'enseignement foutanke, pour qui l'étude scolaire est de la lecture,
(Djande). Thierno Oumarou Perejo, est entouré de talibé enthousiastes et déférents. Sous son
autorité clairvoyante, vigilante et discrète, Thierno Abdourahmane étudie la grammaire, la littérature
et la poésie arabes, la théologie et le droit islamiques, ainsi que divers autres ouvrages arabes,
religieux, scientifiques ou profanes. Et il s'essaie dès cette époque, a l’âge étudié de treize ans, a
composer des vers arabes. Pour qui est doué et qui, par-dessus le marché, a étudié la poésie arabe
anté-islamique, celà allait de soi. Il en était ainsi pour Thierno Abdourahmane.
Thierno Oumarou avait fait aménager une case pour son seul cousin, un logis situe entre le domicile
de l'érudit et la mosquée dont il était l'imam. Or, un matin qu'il allait à la prière de l'aube, quel ne fut
son étonnement, et peut-être aussi sa joie inquiète, d'entendre déclamer du Coran dans la case de
son cadet. Le jour levé, il l'interroge:
Thierno Abdourahmane avait entrepris de réciter le Livre saint, et il avait déjà mémorisé les
premières sourates longues. C'est bien, je te félicite et te bénis pour ton initiative, lui dit amplement
le vieillard. Dorénavant, quand tu auras copie ton texte, tu me l'amène avant de l'apprendre. Ceci
pour éviter que tu n'aies écrit quelque coquille que tu réciterais lui-même sans t'en rendre compte;
c'est un risque que court tout copiste: relisant lui-même son écrit, il ne voit pas toujours les coquilles
qu'il a pu faire, il lui faut toujours un autre lecteur. Rappelles-toi comment a été préparée la
copie canonique du Coran.
Qu'en dis-tu?
Je ferais comme vous avez dit, maitre, répondit I ‘adolescent. En neuf mois, le texte du Livre sacre
était imprime dans sa mémoire: il y restera sa vie durant, grâce aux bénédictions de son maitre et de
son père, et par la volonté bienveillante de Dieu. Thierno Oumarou était satisfait de son élève. Il
voyait son talent se développer, et il était attentif a le révéler au peuple. Un jour que le maitre et son
disciple étaient à Diari, chez leur commun cousin Alfa Bakar, voici qu'a l'heure de la prière le Perejo
pousse son jeune élève dans le mihrab de la mosquée, a sa propre place à lui l'érudit reconnu. Et
Thierno Abdourahmane de diriger la prière. Il avait alors quinze ans. Il se rappelle bien d'autres
événements du même genre, dont la portée éducative promotionnelle et promotionnelle- ne lui
seront évidentes que plus tard.
En 1935, ayant terminé les divers livres et autres connaissances que Thierno Oumarou avait
généreusement inculquées dans sa jeune mémoire, il s'entendit dire par celui-ci:
Voici que je t'ai restitue tout ce que mon oncle a mis en moi de savoirs. J’ai été content de ta
compagnie qui m'a permis d'en approfondir certains coins sombre, pendant que je t'enseignais. Nous
nous sommes tous deux enrichis dans la connaissance de notre religion et de la langue arabe. Va
maintenant, et que mon oncle et notre Prophète te bénissent, et que Dieu te protège et te guide en
permanence.
Revenu à Labé, Thierno Abdourahmane commence par tourner quelques vers en remerciements à
son maitre, qui lui répond dans la même forme, par d'autres vers de félicitations, le tout en arabe
coranique assaisonne d’élégantes images, peut-être reprises des poètes anté-islamiques, les
maitres du genre, comme chacun sait.
El Hadj Ibrahima Caba: Defte Cernoya 1998