Alpha Yaya Diallo
Alfa Yaya Diallo Roi de Labe
De la mélodie populaire « Alpha Yaya » à l'Hymne national « Liberté »
Par Mamba Sano
Sans précautions oratoires d'introduction, à
brûle-pourpoint, dans une envolée lyrique,
Korofo Moussa lança la première phrase de
son chant: « Alpha Yaya, Mansa bè Manka
» ... phrase reprise par Silatéka pour
donner le ton, puis par la troupe entière
jouant sur le Kora, chantant et dansant avec
un ensemble parfait. Lire la suite...
A six ans, Modi Yaya est présenté à l'école coranique. C'est l'usage à la cour d'Alfa Ibrahima Diallo, lanɗo du Labé,
comme d'ailleurs dans tout le pays. Tout enfant en âge d'apprendre est confié aux lecteurs du Coran. La cour
regorge de lettrés venus du Nioro, du Sahel, etc., à qui le souverain accorde une pension en échange de leur
savoir. Modi Yaya, en vérité, étonne un peu ces savants commentateurs du Coran. A six ans, il en parait au moins
douze, sa taille est très supérieure à la moyenne, ses épaules sont larges, ses jambes longues, sa taille est
étonnamment fine. Ses traits physiques trahissent son origine mandingue maternelle : sa peau ne présente pas la
couleur habituelle, tirant sur le rouge, de ses frères de mère peule. S'il a, comme eux le visage ovale et le nez droit. Il
a aussi les lèvres épaisses, une coloration plus foncée. Ses maîtres, très vite, remarquent une certaine impatience
qu'il manifeste pendant l'étude. Le regard du prince semble toujours se projeter au loin, traversant les murs de la
mosquée, et son esprit a du mal à se concentrer sur les surates que les enfants reprennent en choeur,
interminablement. Non pas qu'il soit incapable de hisser sa pensée au niveau des commentateurs religieux. Mais,
de toute évidence, la récitation, la méditation ne lui suffisent pas. Il est avide d'action, il a besoin d'entraîner ses
muscles autant que son esprit. Ses maîtres l'observent entre les séances d'étude. A sept ans, il s'impose comme le
chef de ses camarades. Dans la cour de la mosquée, il n'hésite pas à former deux camps et à organiser des
simulacres de combat! Nul ne peut rivaliser avec lui à la course, à la lutte, à la nage. Il ne peut que triompher de
tous. Un enfant plus âgé ayant pris le dessus à l'occasion d'un combat. Yaya reste une journée sans parler, terrassé
par l'humiliation, incapable de s'avouer vaincu. A cheval, il devient très vite l'égal des meilleurs. A onze ans, plus
grand que beaucoup d'adultes de la cour, il défie les meilleurs cavaliers. Ses études souffrent de cette précocité,
mais les lettrés, dans leur grande sagesse, laissent s'accomplir le destin du prince : un guerrier robuste, un cavalier
habile, peut servir aussi bien qu'un ulema les desseins d'Allah. Enfant précoce, d'une vigueur singulière et doué
d'une grande vitalité, et certainement d'un courage exceptionnel, Modi Yaya apparaît comme l'héritier de vertus
particulières dans le royaume. Aussi son père, averti par les lettrés, n'éprouve-t-il qu'une demi-surprise quand le
jeune garçon (il n'a pas encore douze ans) le prie respectueusement de l'emmener à la guerre, dont tout le monde
devine l'imminence. L'indignation feinte du souverain cache en réalité une grande fierté : bon sang ne saurait mentir
! Traditionnellement, l'alfa attendait que les princes eussent dix-sept ans pour les enrôler dans ses troupes et les
jeter au combat. Pour Modi Yaya, il fera une exception. Après un temps d'hésitation, il accepte! Les cris de joie du
prince résonnent dans l'enceinte royale, derrière les palissades de bambou.
Thierno Diallo
Maître-assistant à la faculté des lettres de Dakar
Avec la collaboration de Gilles Lambert
Alfa Yaya, roi du Labé (Fouta-Djallon)